Journée thématique de l'IRMAS

IRMAS

16.06.2025

10:00-17:00 HEMU site du Flon, Lausanne

Entrée libre

De l'impact social de la recherche en arts au partage des connaissances

Si la notion d’impact social fait désormais partie du vocabulaire de l’évaluation de la recherche, son adoption ne va pas de soi parmi les chercheuses et les chercheurs. D’une part, elle vient bousculer une conception du travail scientifique selon laquelle son autonomie, et plus spécifiquement son désintéressement, est garante de la qualité des travaux réalisés. D’autre part, l’appréciation, voire la quantification d’une réalité aussi diffuse et multi-dimensionnelle que les répercussions des activités de recherche sur la société, constitue un vrai défi.

Il s’avère aussi que le caractère unilatéral de la notion même d’impact (signifiant un transfert à sens unique des résultats ou des retombées de la recherche vers d’éventuels usagers) ne permet pas de rendre compte des relations complexes qui peuvent se tisser entre la sphère sociale et les chercheuses et les chercheurs. Dans le domaine des sciences humaines et sociales auxquelles est généralement rattachée la recherche en arts, il parait ainsi plus adapté de s’intéresser aux interactions entre ces deux parties et de valoriser une recherche coconstruite et inclusive.

En invitant des professionnel.les intervenant à divers moments des processus de recherche en arts, cette journée de l’IRMAS sera l’occasion de réfléchir à des relations moins verticales que le modèle classique transmettant les résultats de la recherche aux profanes, au profit de relations à la fois circulaires et plus égalitaires. Il sera ainsi question de méthodologies participatives, d’enjeux mais aussi d’opportunités liées à l’intégration des bénéficiaires finaux au processus de recherche, de partenariats collaboratifs, de mise en partage des connaissances. Autant de thèmes qui permettent d’échapper à l’opposition classique : vulgarisation (simplification) vs savoirs fins des experts et propose une manière de réinventer la pertinence des travaux de recherche artistique au sein des écoles d’art de la HES-SO.

Programme

10h – introduction de la journée

10h15 – Véronique Ferreo Delacoste : Projets situés et cocréatifs initiés dans le cadre du FAR (Festival des arts vivants) à Nyon entre 2010 et 2022 et au sein de LEAST (Laboratoire écologie et art pour une société en transition) à Genève à partir de 2022

11h – Léonore Nemec et Rémy Héritier – « S’inventer un milieu commun » - une expérience de recherche pluridisciplinaire à la croisée de la danse, de l’architecture et de l’économie solidaire

11h45 – discussion générale

pause

13h30 – Marie Astier – Le programme de recherche pratique partagées : un dispositif visant au partage et à la production collective de connaissance entre comédien-nes professionnel-les dit-es « valides » et « en situation de handicap mental »

14h15 – Jean-Philippe Desprès : Le Camp musical extra-ordinaire : rétrospective des quatre éditions d’un projet de recherche en musique pour les jeunes vivant avec une déficience intellectuelle ou physique

15h – pause

15h15 – Jean-Baptiste Apéré : De l’épi au phénomène – L’expérience de la musique contemporaine en territoire rural dans le Nord de l’Indre-et-Loire : une décennie (2014-2024) à rayonnements multiples

16h – discussion générale

16h30 – fin de la journée

Résumé des présentations

 

Véronique Ferrero Delacoste : Projets situés et cocréatifs initiés dans le cadre du FAR (Festival des arts vivants) à Nyon entre 2010 et 2022 et au sein de LEAST (Laboratoire écologie et art pour une société en transition) à Genève à partir de 2022

Comment analyser les effets des projets artistiques situés sur les communautés locales ? Quels sont les bons outils pour évaluer l’impact de pratiques aussi sensibles que celles de l’art ? Quoi précisément mesurer dans un domaine qui ne relève pas des politiques sociales ? Ce type de projet implique un large éventail de personnes : des professionnel·le·s, des expert·e·s métiers, des scientifiques, des artistes, des associations, ainsi que des membres de communautés locales. Ensemble iels partagent leurs recherches, leurs savoirs et leurs expériences. Rien qu’en observant la toile de relations qu’un projet construit autour de lui, il devient évident que la circulation des connaissances est l’un des effets les plus tangibles des projets situés et cocréatifs.

Véronique Ferrero Delacoste est titulaire d’un Master (MAPS édhéa, Sierre). Elle a dirigé le FAR à Nyon de 2010 à 2022. Elle a enseigné au sein de la HETSL Lausanne dans le cursus du CAS et du DAS en médiation et projets culturels de 2014 à 2022. Nommée chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres en 2022, elle explore les pratiques transdisciplinaires et le rôle de l’art dans la société comme moyen de connaissance et d’expériences sensibles. Actuellement, elle dirige LEAST (Laboratoire écologie et art pour une société en transition).

 

Léonore Nemec et Rémy Héritier : « S’inventer un milieu commun » - une expérience de recherche pluridisciplinaire à la croisée de la danse, de l’architecture et de l’économie solidaire

Léonore Nemec est architecte-urbaniste, Rémy Héritier est danseur et chorégraphe. En 2023-24 iels sont élèves du programme SPEAP (Sciences Po-École des arts politiques) fondé par Bruno Latour. Dans ce cadre iels répondent à une commande initiée par une coopérative de l’économie sociale et solidaire. Comment commencer ? Comment mener une enquête, définir un terrain sans connaissance particulière du sujet de nos commanditaires ? Comment comprendre, approcher, intégrer le regard, les techniques de l’autre autant que son champ d’expertise et être en mesure de s’engager dans une recherche commune ? Collaborer nécessite non seulement de définir un objet commun mais surtout de mettre en place les conditions du travailler ensemble. Notre présentation fera retour sur cette expérience de recherche et de collaboration en ayant en ligne de mire l’idée que c’est par la pratique et l’invention de protocoles simples que des pistes de réflexions ont émergé et se sont informées mutuellement pour laisser place à une méthodologie de collaboration non figée.

Léonore Nemec est architecte-urbaniste diplômée de l’EPFL (Lausanne) et de l’ETSAM (Madrid). Basée à Genève, elle explore sa profession à travers des projets collaboratifs, notamment avec la coopérative Architecture Land Initiative (2020) et Studio Nemec (2019), dont elle est co-fondatrice. Elle pratique l’architecture et l’urbanisme, de la conception à la réalisation, notamment au sein de bureaux tels qu’Herzog & de Meuron (Bâle, 2015-2019). Depuis 2019, elle est correspondante pour le journal Tracés. Depuis 2020, elle est chercheuse et enseigne à l’EPFL. En 2023-2024, elle suit le Master d’expérimentation en arts et politique, fondé par Bruno Latour à Sciences Po Paris.

Chorégraphe et danseur, Rémy Héritier a créé depuis 2004 plus d’une dizaine de pièces qui, en prolongeant les contours de l’art chorégraphique vers l’intertextualité́ ou le document, convoquent de nouvelles poétiques du geste. Il privilégie tant les processus au long cours que les interventions sur des territoires donnés pour produire des modes d’adresse relevant aussi bien du spectacle que de l’exposition.

En parallèle, il développe son activité de chercheur à La Manufacture avec Une danse ancienne (2019-23) et en étant associé à Figure, que donne à voir une danse ? (2016-17) et Composition (2016-19). Il a été professeur invité aux Beaux-Arts de Clermont de 2018 à 2021. En 2023-2024, il suit le Master d’expérimentation en arts politiques fondé par Bruno Latour à Sciences Po Paris.

 

Marie Astier : Le programme de recherche pratique partagées : un dispositif visant au partage et à la production collective de connaissance entre comédien ne s professionnel le s dit e s « valides » et « en situation de handicap mental »

Dans le cadre de cette journée consacrée à l’impact social de la recherche en arts, je propose un retour d’expérience analytique du programme de recherche le partage du plateau comme exigence de création artistique, réunissant deux groupes d’une dizaine de comédien·ne·s ·professionnel·le·s dit·e·s « valides » et « en situation de handicap mental ».

Initié et coordonné par Clément Papachristou (artiste associé au TNWB - Théâtre National Wallonie-Bruxelles) et moi-même (Marie Astier, artiste-chercheuse en Arts du spectacle), ce programme de recherche s’inscrit au croisement de la recherche-action, qui vise la transformation des pratiques à partir des réflexions des praticiens eux-mêmes et de la recherche avec qui considère non pas la dissymétrie mais la complémentarité des expertises scientifiques et expérientielles et qui donne toute sa place au point de vue des personnes habituellement discriminées dans la société.

Alors que les personnes en situation de handicap mental ont encore plus rarement que les personnes dit·e·s valides l’occasion d’avoir un regard réflexif sur leurs propositions artistiques, pendant toute la durée des deux workshops, chaque participant·e est invité·e à s’extraire de tout enjeu de création de spectacle

pour adopter une posture de praticien·ne chercheureuse, dont « l’activité professionnelle génère et oriente l’activité de recherche, mais aussi de façon dialogique et récursive, l’activité de recherche ressource et ré-oriente l’activité professionnelle[1] ».

Dans un premier temps, je montrerai comment l’adoption de cette posture de praticien·ne chercheureuse par tous les membres d’un groupe de comédien·ne·s aux capacités diversifiées nous a conduit à repenser les modalités de la pratique et de la recherche. Dans un deuxième temps, j’analyserai comme ces nouvelles modalités ont rendu possible la production collective de connaissances et l’enrichissement réciproque de tou·te·s les praticien·ne·s chercheureuses, dans une logique très horizontale.

Marie Astier est artiste-chercheuse. En 2018, elle a soutenu une thèse en Arts du spectacle intitulée Présence et représentation du handicap mental sur la scène contemporaine française, sous la direction de Muriel Plana au sein de LLA-CRÉATIS (EA 4152). Elle est aujourd’hui MAST à l’Université d’Artois-Arras, où elle donne notamment des cours aux stagiaires du diplôme universitaire « Art-adap(s) : Médiation et pratiques artistiques adaptées : Handicap(s) et égalité ». Elle est également chercheuse associée au sein

du laboratoire ÉMA (École, Mutations, Apprentissages, Inspé, CY Cergy-Paris Université) et du Centre National pour le Création Adaptée (CNCA) de Morlaix.

En tant que comédienne, metteur en scène et formatrice, Marie Astier s’intéresse particulièrement à la mise en corps et en récit du handicap et de la maladie chronique, au sein de sa Compagnie En Carton et à la question de la pratique partagée entre comédien·ne·s dit·e·s « valides » et « en situation de handicap », dans le cadre d’ateliers soutenus par le Théâtre National Wallonie-Bruxelles, du projet expérimental de troupe scolaire inclusive initiée par le Théâtre de la Colline, et des stages jouer, chercher, inclure à l’ARIA Corse.

 

Jean-Philippe Després : Le Camp musical extra-ordinaire : rétrospective des quatre éditions d’un projet de recherche en musique pour les jeunes vivant avec une déficience intellectuelle ou physique

Le Camp musical extra-ordinaire est un laboratoire vivant, dédié à offrir des expériences de création musicale accessibles et adaptées pour les jeunes vivant avec une déficience intellectuelle (DI) ou physique (DP) en contexte extra-scolaire. Les objectifs du projet sont doubles : (1) co-construire un programme musical adapté avec et pour les jeunes vivant avec une DI ou DP et (2) documenter l’impact de ce programme sur diverses dimensions du développement des participants. Depuis son lancement, quatre éditions du Camp musical extra-ordinaire ont vu le jour. La 4ème édition, en cours depuis l’été 2024, est projet longitudinal d’une durée prévue de deux ans. Cette présentation décrit l’approche pédagogique et la stratégie de recherche du projet, tout en offrant un aperçu des résultats analysés jusqu’à présent. Enfin, elle propose des recommandations pratiques et méthodologiques pouvant guider de futures initiatives de recherche dans ce domaine.

Jean-Philippe Després (Ph. D.) est professeur agrégé à la Faculté de musique de l’Université Laval et directeur des programmes de maîtrise et de doctorat en éducation musicale. Il dirige notamment les projets de recherche subventionnés Le Lab extra-ordinaire (CRSH) et L’improvisation musicale : Une approche ludique pour soutenir la littératie musicale (FRQ-CS). Ses principaux centres d’intérêt sont les approches innovantes et inclusives en pédagogie musicale, la créativité, l’improvisation et l’apprentissage par le jeu.

 

Jean-Baptiste Apéré : De l’épi au phénomène – L’expérience de la musique contemporaine en territoire rural dans le Nord de l’Indre-et-Loire : une décennie (2014-2024) à rayonnements multiples

À ses origines urbain et destiné à produire du répertoire à tout-va, l’ensemble PTYX quitte en 2012 à la fois le champ strict des musiques contemporaines et le circuit traditionnel des salles dédiées. Sans modèle applicable au terrain qu’elle investit — la campagne du Nord-Ouest de l’Indre-et-Loire —, cette formation à géométrie variable, composée d’une vingtaine d’artistes, développe depuis ses propres outils et formats pour rencontrer des publics non-initiés.

Si au départ l’implantation dans des territoires isolés ne répond à aucune sollicitation extérieure (politique, culturelle, économique), la présence de ce collectif dans un environnement ni hostile ni favorable amène à penser différemment l’objet musical qui est le sien — la création sonore —, la recherche qu’il induit et la correspondance avec des attentes culturelles. L’ensemble musical glisse progressivement d’un impensé à un utilitaire.

La communication mettra l’accent sur les modes de fonctionnement de ce groupe artistique (organisation, profil des membres, lien avec la commande publique, échelles) et les déclinaisons de cette initiative pérennisée (nouveaux formats, aspects de l’expérimentation, traces et valorisations).

Jean-Baptiste Apéré commence son parcours en croisant les disciplines, au hasard de rencontres déterminantes (Roland Creuze pour la musique, Jean-Louis Backès pour les lettres). Il étudie la clarinette, les percussions et pianote dans les régions d’Orléans et de Tours.

Parmi les premières expériences marquantes, la poésie grecque antique (Eschyle, Sappho, mythe d’Orphée) avec le Théâtre Démodocos pour lequel il joue et compose pendant sept ans ; la danse contemporaine avec la Compagnie La Lisière des Marges qu’il intègre en 2004 ; le duo claudius & iokanaan, mélange de chanson et d’électro (album Triple Maxi en 2006).

Titulaire des Diplômes d’Etat de Formation musicale et de Direction d’ensembles instrumentaux, il enseigne depuis plus de vingt-cinq ans dans des écoles de musique et dirige plusieurs orchestres d’harmonie. Ses activités, à travers l’écriture, l’enseignement et l’interprétation, tendent à décloisonner les genres et favoriser les rencontres inhabituelles entre espaces et public. Ses références musicales vont de la tragédie grecque antique à l’abstract hip-hop.

iokanaan@chimeriens.com



[1] Catherine De Lavergne, « La posture du praticien chercheur » dans Recherches qualitatives – Hors Série – numéro 3. Actes du colloque « Bilan et prospectives de la recherche qualitative », Association pour la recherche qualitative, 2007.

Retour à l'agenda