09:30-17:00 La Manufacture, Lausanne
Dans le monde des théâtres, la transmission empirique est d’autant plus importante qu’il n’existe pas d’écoles d’opéra : on forme des artistes lyriques ou des musicien.ne.s d’orchestre, des scénographes, des costumièr.e.s ou des Travailler à ou avec l’opéra
administrateur.trice.s, mais il n’existe aucun lieu où l’on apprend à s’insérer dans cet être à plusieurs têtes qu’est une maison d’opéra.
Les écoles supérieures d’art s’efforcent cependant de pallier à l’absence de cursus préparant aux aspects collectifs du travail lyrique, en proposant des stages ou des sessions appliquées destinés à leurs étudiantes et étudiants en fin d’étude, ou bien sous la forme d’intégration à des opéras studios qui se sont multipliés en Europe depuis plusieurs décennies (Opera Studio de l’Opéra de Francfort, International Opera Studio de l’Opernhaus de Zurich, Mozart Opera Studio de l’European Music Institute à Vienne, Lyric Opera Studio à Weimar, The Fabbrica Young Artist Program du Teatro dell’Opera de Rome, Académie de l'Opéra de Paris, Opéra Studio de l’Opéra du Rhin, etc.).
La journée de réflexion, qui aura lieu à la Manufacture le 12 novembre 2024, sera consacrée à la manière de penser l’organisation du travail artistique collectif et au-delà la formation aux formes expérimentales de l’opéra et du théâtre musical. Elle réunira des artistes et des chercheur.es qui ne sont pas des professionnels de l’opéra mais qui s’y sont confrontés pour comprendre les questions que se posent un.e chorégraphe ou un metteur.euse en scène quand ils travaillent à / avec l’opéra.
Parmi les questions qui seront soulevées au cours de la journée :
– quelles méthodologies pour la création collective dans le domaine de l’opéra ?
– comment organiser concrètement le travail (espace, durée et rythme) ?
– comment trouver sa place dans un processus créatif complexe associant des personnes aux compétences et aux trajectoires très diverses ?
– quel rôle les personnels techniques des maisons d’opéra jouent-ils selon les étapes de la fabrique d’un spectacle ?
– jusqu’à quel point les compétences initiales des participant-es à un projet peuvent être redistribuées par la nature même de l’objet artistique finalement produit ?
– un socle de connaissances communes sur les genres lyriques existants est-il nécessaire à leur dépassement dans une démarche d’invention systématique ?
– de quels moyens réflexifs un groupe se dote-t-il pour ajuster sa manière de travailler ? et comment sont prises les décisions ?
– quelles sont les limites d’une création collective ?
– quels savoir-faire acquièrent finalement les participants ?
– quels éléments pourraient être formalisés dans une formation ?
Invité.es : Xavier Le Roy, Fanny de Chaillé, Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre, Nicolas Donin, Fabrice Huggler
Éléments biographiques :
Massimo Furlan, artiste, scénographe, et metteur en scène fonde la compagnie Numero23Prod en 2003 et commence à développer un travail scénique et performatif. Il rejoue notamment seul et sans ballon des parties mythiques de l’histoire du football dans des stades partout en Europe (dès 2000), il court sur la piste de l’aéroport international de Genève pour le Festival de la Bâtie en 2004 dans International Airport, ou encore il traverse en courant le tunnel du Grand Saint-Bernard reliant la Suisse à l’Italie, pour Tunnel en 2015.
Dès 2008, avec Claire de Ribaupierre, docteur es lettres, dramaturge, enseignante à La Manufacture, ils inventent des protocoles et des dispositifs de paroles singuliers, dans le cadre de projets comme Chanteur plutôt qu’acteur (2008), Les Héros de la pensée (2012-2018), Après la fin, le Congrès (2015), Le Concours européen de la chanson philosophique (2019) qui font intervenir des penseurs et penseuses sur scène.La musique occupe une place essentielle dans leur travail, à travers des projets comme les Travelling, travail qui consiste à emmener les spectateurs de nuit dans des trains, bus, bateaux, à la découverte de paysages urbains ou sauvages, par la contemplation, la musique et la marche : Ainsi Girls change places (2004), The Wind in the Wood (2016), Nocturne, (2017), Travelling (2017), Factory (2017). En 2016 ils sont invités par la compositrice australienne Liza Lim et l’ensemble contemporain Musik Fabrick de Cologne, à créer la mise en scène de l’œuvre inédite Tree of codes (d’après de livre de Jonathan Safran Foer) à l’opéra de Cologne. En 2017, leur travail s’ouvre à une dimension documentaire, qui fait intervenir des actrices et acteurs non professionnels, villageoises et villageois du pays basque pour le projet Hospitalités, ou des travailleurs émigrés pour Les Italiens en 2019. Cette démarche qui pose la question de qui est sur scène, et qui raconte, se poursuit avec des projets comme Dans la forêt (2020), Avec l’animal (2022), Radio Jam (2022), questionnant les gestes et les savoir-faire.
Nicolas Donin est professeur de musicologie à l’Université de Genève. Ses travaux abordent les musiques savantes des XXe et XXIe siècles en croisant histoire, analyse et sciences sociales. Il a signé et co-signé une centaine d’articles, chapitres et volumes collectifs, ainsi que des courts-métrages documentaires et analyses multimédia. Récemment paru : Composer dans l’Anthropocène (numéro thématique de Circuit, vol. 32, n° 2, 2002) ; Conversation imagée (2019-2021) avec Georges Aperghis (Paris, Editions de la Philharmonie, 2022).
Installé à Genève depuis 20 ans, Fabrice Huggler a imaginé et mis en scène une trentaine de spectacles. Dans son travail, il s’intéresse particulièrement au rapport entre théâtre, musique, danse et arts plastiques. Il est co-fondateur de Ex-Machina, espace d’art contemporain, qu’il a dirigé, de 2008 à 2013, à Genève, avec quatre autres artistes. Il développe également un travail plastique, réalisant photographies et performances et a résidé en 2010 à la Cité Internationale des Arts de Paris, dans l’atelier Le Corbusier. Ces dernières années, il a conçu et mis en scène quatre spectacles : en 2017, « Présence » d’après la partition de Bernd Alois Zimmermann, avec 6 musiciens et 1 danseur (Théâtre du Galpon, Genève et Festival des Jardins musicaux, Cernier) ; en 2019, « Variété » de Mauricio Kagel, pour 6 musiciens et 6 acrobates (Théâtre ABC Temple-Allemand, La Chaux-de-Fonds) ; en 2020-2022, « Madame De », une création pour une comédienne, une costumière, un danseur et un musicien (Festival de la Bâtie et Grütli, Genève, TBB-Château d’Yverdon-les-Bains, Musée des Beaux-Arts de La Chaux- de-Fonds et Musée Historique de Lausanne) ; en 2024, « Autoportrait en vert » avec 7 comédiennes (Théâtre du Galpon, Genève). Fin 2022, il reçoit de l’État de Genève, une bourse de recherche, pour son travail sur les écrivains contemporains et leur adaptation dans le domaine du théâtre musical.
Titulaire d'un doctorat en biologie moléculaire de l'Université de Montpellier (France,) Xavier Le Roy travaille en tant qu'artiste depuis 1991 et est professeur à l'Institut d'études théâtrales appliquées de Giessen (Allemagne) depuis 2018. Ses œuvres sont expérimentales et motivées par des nécessités de transformation, des questions sur la notion de mouvements et ce qu’ils produisent. Elles sont guidées par le désir de modifier nos compréhensions de dichotomies telles que : Humain/Non Humain, Sujet/Objet, Passif/Actif, Norma/Anormal… Ses travaux plus récents utilisent et explorent le temps et l'espace ainsi que les relations entre les spectateurs et les œuvres d'art vivant que permettent les expositions, les musées ou d'autres espaces publics. Dans le domaine du théâtre musical, Xavier Le Roy met en scène en 2003 à l’invitation Bernhard Lang et du festival Steirisch Herbst à Graz l’opéra de Bernhard Lang « Theater of Repetitions » repris en 2004 à l’Opéra Bastille à Paris. En 2005, il met en scène esc#5 Imposteurs de Bernhard Lang, théâtre musical pour 5 voix et ensemble amplifié d'après un texte de Jonathan Safran Foer au Staatsoper de Berlin. La même année, il met en scène la musique d’Helmut Lachenmann « Mouvements für Lachenemann » avec Kammerensemble Neue Musik Berlin pour le Wien Modern, qui se développe en 2008 sous le titre « More Mouvements für Lachenmann » avec klangforum de Vienne.
Formée à l’Esthétique à Paris Sorbonne au début des années 90, Fanny de Chaillé crée ses propres installations et performances à partir de 1995, et des spectacles pour la scène dès 2003 en s’appuyant sur des textes littéraires (Georges Pérec, Thomas Bernhard, Hugo von Hofmannsthal), en puisant dans une culture musicale rock et populaire ou en imaginant des formes hybrides, hors plateau. Elle participe régulièrement aux projets d’artistes plasticiens comme Thomas Hirschhorn, Pierre Huyghe et récemment Annette Messager pour l’opéra La double coquette de Gérard Pesson, qu’elle met en scène en 2015. Elle met également en scène en 2020 My mother is a fisch, un spectacle musical de Sarah Murcia d’après William Faulkner. Légataire de l’œuvre du chorégraphe Alain Buffard, elle mène un travail d’archive et de répertoire autour du travail du chorégraphe. Ses dernières créations reflètent un intérêt pour des dispositifs et des modes d’adresse et d’écoute spécifiques, qu’il s’agisse de redonner voix et corps au discours inaugural de Michel Foucault au collège de France (Désordre du discours, 2019), de faire collectif autour de dix jeunes comédien.nes de l’ADAMI (Le Choeur, 2020), de croiser les générations (Les Grands, 2019), de revisiter l’album Transformer de Lou Reed (Transformé, 2021) ou de réactiver les archives du festival d’Avignon (Avignon, une école, 2024). Elle dirige le Théâtre national Bordeaux Aquitaine et son école depuis 2024.
Aperçu de la journée en images :
Photos : Sophie Kurer © IRMAS
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